Tout est relatif : Discutons de l'art, du scandale et de la censure
Le déjeuner sur l'herbe, Edouard Manet, 1863.
Le Scandale et la censure sont récurrents dans le monde de l'art... depuis toujours. Dans cette rubrique nous allons découvrir, étudier et discuter ensemble les raisons qui ont pu rendre des oeuvres subversives. Beaucoup d'oeuvres censurées ont été brûlées et il n'en reste alors aucune trace ou seulement des témoignages écrits. Nous allons nous intéresser aux oeuvres qui n'ont pas subi un sort aussi funestes et s'interroger sur leur caractère scandaleux liés aux mentalités et aux tabous propres à chaque époque et société.L'objectif de cette rubrique est de découvrir des oeuvres et leur contexte historique, d'aiguiser le regard et l'esprit critique des lycéens sur leur monde et leur époque. C'est également un exercice rhétorique les entraînant pour l'épreuve orale finale.Le monde étant souvent bipolaire souhaitant à tout prix distinguer le bien du mal alors que cette frontière est loin d'être une ligne claire tant elle se définie par les convictions et les représentations de chacun.Peut-on tout représenter ? A quelles fins ? Entre consternation, fascination et provocation: une histoire du regard du spectateur et de celui de l'artiste.
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Censure
Etymologie : du latin censor, magistrat romain, au figuré, celui qui blâme. ... D'une manière générale le terme censure désigne toute limitation arbitraire ou idéologique de la liberté d'expression par une autorité quelconque.
Scandale
Du latin ecclésiastique scandalum, dans l’expression petra scandali : « pierre d’achoppement ». Emprunté au grec σκάνδαλον (« achoppement »)
(La pierre d'achoppement est, au sens propre, une pierre sur laquelle on achoppe, c'est-à-dire sur laquelle on trébuche, un obstacle qui fait faire un faux pas. L'expression s'emploie au sens figuré pour désigner une difficulté.)
Rembrandt, La leçon d'anatomie du Docteur Tulp, 1632.
XIXème siècle et critique d'art
Le radeau de la Méduse, Jean-Louis Théodore Géricault, 1818-19.
Un enterrement à Ornans, Gustave Courbet, 1849-1850.
1863 :Deux nus, deux avis
La Naissance de Vénus, Cabanel, 1863.
Olympia, Edouard Manet, 1863.
Portrait d'Emile Zola, Edouard Manet, 1868.
Impressions au soleil levant, Claude Monet, 1872.
Art & totalitarisme
Emil Nolde
Otto Dix, joueurs de Skat, 1920.
Malevitch Carré noir sur fond blanc, 1915.
Malevitch paysan, 1927;
Cuirassé Potemkine, Eisentein, 1925.
Mère Patrie, Volgograd. (ex-Stalingrad)
Tout est-il sujet ? La mémoire de la seconde Guerre Mondiale
Mirroring Evil : l'imagerie contemporaine de la shoah
The Jewish Museum, New York, USA
Him, Maurizio Cattelan, 2001. Ghetto de Varsovie.
Him, Maurizio Cattelan, 2001.
Him est une sculpture en ronde-bosse de l'artiste italien Maurizio Cattelan créée en 2001. Cette statue en cire et en résine de polyester représente Adolf Hitler en costume gris, priant agenouillé.
Elle a notamment été exposée au musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam en 2002, dans la Haus der Kunst de Munich en 2003 et dans l'ancien ghetto de Varsovie en 2012. Ce dernier emplacement a été très controversé. Cet emplacement crée un effet de surprise, Hitler étant de dos et nécessitant d'être contourné pour être reconnaissable. L’œuvre est vendue pour plus de 17 millions de dollars (soit environ 15 millions d'euros), aux enchères chez Christie's le 8 mai 2016.
‘Hitler is everywhere, haunting the spectre of history; and yet he is unmentionable, irreproducible, wrapped in a blanket of silence’‘I’m not trying to offend anyone. I don’t want to raise a new conflict or create some publicity; I would just like that image to become a territory for negotiation or a test for our psychoses.’
Maurizio Cattelan se défend d'être un artiste provocateur et se dit être un miroir de notre société.
‘I actually think that reality is far more provocative than my art,’
‘I just take it; I’m always borrowing pieces — crumbs really — of everyday reality. If you think my work is provocative, it means that reality is extremely provocative, and we just don’t react to it. Maybe we no longer pay attention to the way we live in the world… We are anaesthetised.’
C'est l'exposition itinérante la plus visitée au monde, avec ses 44 millions de visiteurs. "Body Worlds : le cycle de la vie" pose ses corps écorchés réels, à Genève à Palexpo du 21 septembre au 7 janvier 2018.
Corps entiers, organes et coupes
Plus de 200 spécimens humains sans peau sont exposés, ainsi que des organes ou coupes transparentes. Les visiteurs peuvent découvrir les secrets méconnus de leur anatomie (tissus, os) et de comprendre son évolution au fil du temps.
Ces corps ont été "plastinés", c'est-à-dire que leurs tissus biologiques ont été préservés, car les liquides organiques ont été remplacés par du silicone. La technique, mise au point par l'anatomiste Gunther von Hagens, a permis cette exposition. Réflexion sur l'existence, sur la mort... Body Worlds pose de nombreuses questions. Et permet de comprendre quels effets ont le tabagisme, l'alcoolisme, l'arthrose ou encore le stress sur le corps
Polémiques en série
Parfois effrayants, et profondément dérangeants, ces spécimens nous mettent face à nos propres corps. Mais elle est loin de faire l'unanimité. Selon certains, la pédagogie serait seulement un argument de vente et profiterait de la "curiosité morbide". Le député écologiste genevois François Lefort a saisi le conseil d'état de Genève pour interdire l'exposition. Réponse attendue mi-octobre.
En France en 2009, une exposition du même type avait été interdite par la Cour de cassation au motif qu'elle portait atteinte au respect et à la dignité de la personne décédée.
https://bodyworlds.com/
Tout est-il sujet ? La religion
“La Nona Ora”, Maurizio Cattelan, 1999.
Le pape Jean-Paul II terrassé par une météorite. En 1999, l’artiste italien Maurizio Cattelan dévoile La nona ora (La neuvième heure), sculpture grandeur nature qui représente le souverain pontife en soutane blanche étalé sur une moquette rouge et cramponné à sa férule papale. Cette situation burlesque dans laquelle Jean-Paul II est paradoxalement victime d’un élément céleste a fait grand bruit. Notamment lors de l’exposition de Cattelan à la Zacheta Gallery of Contemporary Art de Varsovie (Pologne) pays d’origine du pape canonisé. En effet, un homme politique polonais a tenté de vandaliser l’œuvre “au nom de la dignité du Saint-Père” obligeant la directrice du musée, Anda Rottenberg, à démissionner. Fasciné par le pouvoir de l’image, Maurizio Cattelan révèle une œuvre cathartique. Selon lui, tel un test de Rorschach, l’art se doit de poser les questions et non d’apporter les réponses : “le contexte d’une œuvre fait partie intégrante de sa signification, de même que le point de vue – culturel, psychologique, social… – de celui qui la contemple. L’art est un territoire que chacun a les moyens d’explorer par lui-même, parce qu’il n’utilise pas d’alphabet, confie l’artiste à Numéro, mais, en même temps, personne n’en retirera les mêmes sensations ou les mêmes expériences que son compagnon ou sa compagne de voyage.”
“Pietà (The Empire Never Ended)”, Paul Fryer, 2007.
En 2007, l’artiste londonien Paul Fryer livre Pieta (The Empire Never Ended) sculpture de cire ultra réaliste représentant le Christ sur une chaise électrique et propose ainsi sa propore version de la crucifixion du martyr. La presse redoute la montée au créneau de l’Église, mais un homme de foi prend la presse à contrepied : en avril 2009, Mgr Jean-Michel di Falco Léandri, évêque de Gap et d’Embrun (Hautes-Alpes), accueille l’œuvre choc dans la cathédrale de Gap : “Le scandale n'est pas là où on le croit, confie-t-il, le scandale, ce n’est pas le Christ assis sur une chaise électrique. Si le Christ était condamné à mort aujourd’hui, on utiliserait les instruments barbares pour donner la mort qui ont encore cours dans certains pays. Le scandale, c’est notre indifférence devant la croix du Christ”. Ainsi, en s'emparant de l'objet litigieux, Mgr Jean-Michel di Falco Léandri réussit un tour de force et multiplie considérablement les visites de la cathédrale.
Le Marché de l'art : Buzz, coup d'éclat et valeur réelle
Fountain, Marcel Duchamp, signé R.Mutt, 1917.
The Physical Impossibility of Death
in the Mind of Someone Living, Damien Hirst, 1991.
Banksy, Girls with Balloon, Octobre 2018.
Les bonnes moeurs
Origine du monde, Gustave Courbet, 1866.
Thérèse rêvant, Balthus, 1938.
Voyeurisme ou perversion… En décembre dernier, une œuvre du peintre français d’origine polonaise Balthasar Klossowski, dit Balthus, se retrouve dans la tourmente. La célèbre toile évocatrice Thérèse rêvant (1938), représentant une voisine en jupon rouge dans une posture d'abandon, heurte une certaine Mia Merrill qui lance, en novembre 2017, une pétition pour que le Metropolitan Museum of Art (MET) fasse retirer la toile : “Je demande simplement au MET d'être plus vigilant concernant les toiles qu'il accroche à ses murs et de comprendre ce que ces tableaux insinuent.”
En pleine controverse Weinstein, Mia Merrill obtient plus de 9000 signatures en quelque jours mais ne convainc pas Kenneth Weine, le porte-parole du musée pour qui “l’art reflète différentes périodes, et non seulement la période actuelle”. L’érotisme qui transpire de ce tableau s’oppose à la jeunesse de la jeune femme dépeinte. Inévitablement, les suspicions pesant sur le peintre décédé en 2001 refont surface. Auparavant, Le goûter et La jeune fille à la guitare avaient déjà fait scandale, tout comme l’exposition Balthus : Cats and Girls — Paintings and Provocations. Son travail soulevait l’hypothèse d’une attirance pour les (très) jeunes filles à peine pubères… La sexualisation de l’enfance dans l’art devient un objet de polémique.
“Domestikator”, l’Atelier Van Lieshout, 2016.
Démesurée, la sculpture-architecture habitable de l’Atelier Van Lieshout ne fait pas l’unanimité. Culminant à 12 mètres de hauteur, cette œuvre a été refusée en octobre dernier par la direction du Louvre dans le cadre du programme “hors les murs” de la FIAC 2017. Cette création provocatrice qui représente un couple en position de levrette n’aura donc jamais été la star du jardin des Tuileries, selon le musée : “des légendes sur l'Internet circulent et attribuent à cette œuvre une vision trop brutale qui risque d'être mal perçue par le public traditionnel du jardin des Tuileries”. Mais pour le Néerlandais Joep Van Lieshout, auteur de cette œuvre acclamée en Allemagne, l’acte sexuel explicite symbolise l’ingéniosité et la domestication de la nature. Justement nommée Domestikator, la réception de cette structure évoque le Dirty Corner d’Anish Kapoor, représentation XXL du vagin de la reine exposé en 2015 dans les jardins de Versailles. Finalement, Domestikator amuse autant qu’il surprend et atterrira à la lisière du Centre Pompidou (le 17 octobre 2017), une “magnifique utopie en prise avec l’espace public” pour son directeur Bernard Blistène.
Commande publique et espace public
Les deux plateaux, dits colomnes de Buren, Buren , 1985. Palais Royal.
Jeff Koons, château de Versailles, 2017.
Paul McCarthy, Paris. 2014
Sources
L'art face à la Censure, Cinq siècles d'interdits et de résistances, Thomas Schlesser.
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