Bill Viola : Références aux grands maîtres





The Sleep of Reason, 1988 
Dans une pièce, un moniteur noir et blanc sur une commode en bois montre en  gros plan le sommeil d’une personne. Au hasard des intervalles, les lumières s'éteignent et la pièce est plongée dans l'obscurité totale. De grandes images, inspirées par la gravure de Goya Le songe de la raison, apparaîssent alors momentanément sur trois murs (du feu, des chiens en mouvement, des vagues océaniques, un hibou); simultanément, un son inquiétant, sorte de de gémissement et/ou de rugissement, remplit l'espace. Tout aussi soudainement, les images disparaissent, les lumières reviennent, la chambre redevient normale.



Francisco Goya - Le songe de la raison, 1797

The Greeting, 1995 
Cette œuvre a été réalisée pour le pavillon américain de la Biennale de Venise en 1995. La dimension de l'écran est la même que celle du tableau dont la vidéo s'inspire : la Visitation, peint en 1528 par Pontormo pour l'église de Carmignano, tout près de Florence. 
Dans un paysage urbain, on voit deux femmes  engagées dans une conversation quand elles sont interrompues par l'arrivée d'une troisième. Cette dernière salue la plus vieille des deux, apparemment son amie, en ignorant l'autre. Elle chuchote alors un message dans l'oreille de son amie, isolant encore plus l'autre femme. Les mouvements sont lents. La scène est filmée en plan fixe. La vidéo est projetée dans une pièce sombre.


Visitation,  Pontormo, 1528.

The Quintet of the Astonished, 2000 
Vidéo montrant cinq personnages (une femme et quatre hommes) filmés en plan moyen sur un fond noir et dont les émotions et expressions sont exacerbées et montrées de manière très ralentie.
Cette vidéo évoque à la fois L’Adoration des Mages de Mantegna (1495-1505) et Le Christ aux outrages de Bosch (1490-1500). Il s’agit bien moins d’une mise en mouvement de la peinture que d’une étude des expressions humaines que l’artiste poursuit dans de nombreuses œuvres.


Adoration des mages, Mantegna, vers 1500.


Jérôme Bosch, Le Christ aux outrages, XVe siècle © The National Gallery, Londres, Dist. RMN-Grand Palais / National Gallery Photographic Department (Le Couronnement d'épines),


RMN

Dès 1988, il reprend la célèbre gravure de Goya Le Sommeil de la raison engendre des monstres (1797-1798) avec l’installation The Sleep of Reason où le visiteur est plongé dans les visions angoissantes d’un rêveur. A plusieurs reprises, des tableaux lui serviront d’inspiration. The Quintet of Astonished (2000) évoque à la fois L’Adoration des Mages de Mantegna (1495-1505) et Le Christ aux outrages de Bosch (1490-1500). Avec cette série des Passions, il s’agit bien moins d’une mise en mouvement de la peinture que d’une étude des expressions humaines que l’artiste poursuit dans de nombreuses œuvres (Four Hands, 2001, aussi présente dans l’exposition). Un bref instant est ralenti sur une durée bien plus longue.

Bill Viola filme avec un nombre d’images par seconde supérieur à la vitesse de projection, puis projette ces images à la vitesse normale ce qui donne cette impression d’un déroulement très lent de l’action. L’extrême ralenti de l’image n’a ici rien de sensationnel ou de spectaculaire. Il permet de porter un regard différent, nouveau sur les tensions qui animent les visages et les gestes. Si l’on ne peut véritablement parler de tableau vivant, tant par la référence iconographique que par le format proche des œuvres qui l’inspirent, Bill Viola produit des tableaux technologiques. Il parle ainsi de l’installation Going Forth By Day (2002) comme d’un gigantesque cycle de fresques numériques en cinq parties. Les projections se déploient le long des cimaises comme les peintures sur les murs de la chapelle Scrovegni de Giotto à Padoue (1303-1305) qui marqua tant l’artiste.

Les triptyques et polyptyques de la peinture mystique sont souvent repris dans ses installations, moins pour leur dimension religieuse que comme référence à la manière occidentale de penser et lire les images. Dévoilant sur cinq écrans, plusieurs épisodes de la vie d’une femme, Catherine’s Room (2001) adopte une composition similaire à celle des prédelles* de Sainte Catherine de Sienne et Quatre Sœurs du Tiers-Ordre Dominicain d’Andrea di Bartolo (1393-1394). Ces vidéos et installations, le plus souvent détachées de tout prétexte narratif, organisent la rencontre avec des corps qui se déploient avec lenteur et précision. Il est alors moins question de reconstituer un récit chez Bill Viola que d’expérimenter une durée, troublante et sensuelle.

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