Sophie Taueber-Arp - Une formation moderne (1907-914)


L’artiste, originaire de la Suisse alémanique, pays riche en traditions artisanales, est née à Davos en 1889. Elle grandit à Trogen, grand village relié par le train à Saint-Gall, ville réputée pour sa production textile traditionnelle et son architecture baroque. Dès son enfance, elle baigne dans un environnement où l’art du textile, de la dentellerie et de la broderie est omniprésent. Toutes sortes de pièces décoratives et utilitaires sont produites localement. Les traditions du tissage du lin et de la dentellerie étant encore très vivantes, elle les observe, s’en imprègne et en fait l’apprentissage parallèlement au développement de la mécanisation de la production qui s’impose progressivement face à la fabrication artisanale. Témoin de la créativité de sa mère qui a fait construire leur maison d’après ses plans, Sophie Taeuber est aussi son élève : elle participe à la décoration intérieure, brode, réalise des dentelles au fuseau et se passionne pour la photographie.


Après avoir bénéficié d’un cours privé de dessin décoratif pour tissus à Saint-Gall, elle suit une formation à l’École des arts et métiers (Zeichenschule für Industrie und Gewerbe) de 1907 à 1910. Elle y apprend le dessin de projets, la peinture décorative, le dessin d’après nature et modèle, le dessin ornemental et l’histoire de l’art et des styles. L’école possède une importante collection d’art du textile, remontant jusqu’aux coptes. L’étudiante s’intéresse aussi aux arts premiers, exposés à Saint-Gall. Parallèlement aux formes, aux techniques, aux matériaux de l’artisanat, à l’ornementation et à l’architecture suisse, elle s’imprègne de l’art de l’Antiquité et des cultures extra-européennes. Ses créations seront fortement marquées par ces impressions multiples.

Sophie Taeuber poursuit sa formation en Allemagne, à Munich et à Hambourg dans des structures progressistes, accessibles aux femmes et dont l’orientation pédagogique est déterminée par les principes de la synthèse des arts issus du mouvement anglais Arts & Crafts (Arts et artisanats), Jugendstil (Art nouveau) et de la Sécession viennoise, représentés en Allemagne par le Werkbund, association d’artistes qui prône la collaboration entre créateurs et industriels.

À Munich, dans les Ateliers d’apprentissage et d’essai pour les arts libres et appliqués (Lehr- und Versuchs-Ateliers für angewandte und freie Kunst), elle suit auprès de professeurs-artistes renommés, comme Wilhelm von Debschitz, un enseignement ambitieux qui comporte aussi bien l’histoire de l’art que l’apprentissage de techniques, l’étude des matériaux, des supports, nobles ou ordinaires. Elle étudie le tissage, la broderie et le fuseau à l’atelier du textile ; le travail sur le tour et la menuiserie à l’atelier du métal et du bois. Elle se forme aussi dans les domaines de la sculpture, de la peinture, de la photographie, de l’architecture intérieure, des techniques de projections de plans et de l’axonométrie architecturale. Elle apprend à connaître et à travailler des matériaux aussi différents que les tissus, les fils de coton, de lin ou de laine, ainsi que le bois, le métal et autres supports. Tout comme les autres étudiants, elle expose et cherche à vendre ses productions. Via diverses activités et sorties culturelles, bals costumés et spectacles, leur créativité est soutenue et stimulée, ce qui inspirera Walter Gropius pour la création du Bauhaus en 1919.

Sophie Taeuber passe ensuite une année d’études à Hambourg à l’École des arts appliqués, importante institution où enseignent des artistes de la Sécession viennoise. Elle y étudie les traditions nordiques de broderies au point de croix et de dentelle au fuseau, ainsi que le tissage de technique scandinave Scherrebeck (Danemark). Elle aurait suivi l’enseignement de la peinture murale, du moins probablement assisté à sa création in situ (celle-ci est toujours visible dans l’école d’Hambourg). À la fin de ses études, elle retourne à Munich et obtient son diplôme de professeur d’art et de dessin du textile le 14 juillet 1914.

Sa formation a été marquée par les tendances contemporaines les plus novatrices, notamment celles de l’association Werkbund qui mêlent connaissance des techniques et des matériaux, l’emploi de machines, et cultivent la diversité, la curiosité et l’ouverture sur les autres cultures. Autant d’aspects dont son œuvre porte indéniablement la marque.

Instagram @artsplastiques.perriand

© Le coin des arts plastiques. Design by FCD.